2.51 Les nouveaux managers générateurs d’intelligence et de confiance !

Ce que nous apprend concrètement l’entreprise libérée

2.51 Les nouveaux managers générateurs d'intelligence et de confiance  !
Théo Holtz (2017: 125) a étudié pendant plusieurs mois une entreprise située dans le secteur pharmaceutique dont le PDG a mis en place en 2013 une démarche d’innovation managériale fondée sur la notion de responsabilisation qu’il a résumée dans l’acronyme SARA (Société à Responsabilité Amplifiée). Il décrit avec précision son modèle dans  le numéro spécial sur les » Entreprises Libérées » de la revue  RIPCO (N° 56 – 2017).

Inspiré par les lectures de Hyacinthe Dubreuil et de la sociologue Simone Veil, le dirigeant a opéré  une série de transformations assez radicales :

– L’organigramme hiérarchique a été remplacé par une représentation « organique » des relations entre les différents services. Celle – ci fait référence à la métaphore du fonctionnement des cellules du corps humain pour représenter les interactions entre les différentes unités de travail qui sont désormais intitulées  » Bases Allocation Service Expertise ». Chaque « BASE » est au service  des clients internes ou externes et d’une stratégie globale, déclinée en vision, mission et valeurs.

– La stratégie est élaborée de manière participative à partir d’une première vision donnée par la direction. Elle permet de définir le « Bien commun » et les règles du jeu qui découlent des 3 valeurs fondamentales qui sont le client, la simplicité, et l’humilité. La stratégie n’a pas selon le dirigeant une ambition économique mais aussi sociale dans le sens où elle intègre le développement des personnes. On retrouvera là probablement la philosophie de la personne d’Emmanuel Mounier qui est une autre source d’inspiration pour le dirigeant.

– L’activité managériale a été également redéfinie en 3 fonctions :

  • La fonction « d’animation » qui a pour vocation de « penser le projet ». Au delà de son rôle d’orientation, elle a aussi pour vocation de veiller « au Bien Commun ». Elle est assumée par le dirigeant et ses 3 ex directeurs adjoints devenus animateurs de « zones de bienveillance »; celles – ci correspondant à leur ancien périmètre de service respectif. Ces derniers assurent aussi la coordination des initiatives individuelles et la cohérence des actions avec la stratégie de développement. Ils ont également un rôle pédagogique en fournissant aux collaborateurs les informations dont ils ont besoin pour prendre leurs décisions.
  • Les anciens managers (du moins ceux qui ont accepté cette mutation) sont désormais appelés à devenir des « générateurs d’autonomie ». Ils interviennent, maintenant,  en tant qu’experts dans l’ensemble de l’entreprise et pas seulement dans leurs anciennes zones de responsabilité.
  • La fonction « d’accoucheur » est une fonction nouvelle qui est assurée par des personnes élues ( pour un an) par leurs collègues. Leur action se limite à la « Base » dans laquelle elles sont impliquées. Leur activité est assez proche de celle qu’on retrouve ailleurs sous le terme de  « Teams leaders ». Ils sont au service du collectif et ont la charge d’assurer son bon fonctionnement quotidien des équipes.
    Le changement des intitulés de fonction n’est pas anodin. Il exprime la volonté de mettre les représentants de l’autorité  au service des acteurs. C’est un grand retournement.
– L’entreprise ne doit plus se penser comme une organisation mais comme une communauté. Cela passe  par une communication plus fluide entre les membres de la communauté quel que soit leur statut dans le but de développer une plus grande autonomie d’action.



Management : le grand retournement !

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La  mutation qui s’opère remet en question l’identité traditionnelle du manager la plupart du temps réduite à celle de chef. Si, dans le passé, la légitimité de son action était liée à  son statut  et à sa capacité à assigner autrui à un comportement d’obéissance, elle réside aujourd’hui,comme le dit  Jean – Michel Serres,  dans sa capacité à le rendre acteur, en d’autres termes à l’amplifier:  « L’autorité doit être une forme de fraternité qui vise à tous nous augmenter. Si ce n’est pas ça la démocratie, je ne connais plus le sens des mots. »

Cette transformation n’est pas rien car elle renverse la relation. Le serviteur n’est plus celui qu’on croit, c’est désormais, celui qui détient l’autorité. Quelle métamorphose !

Celle – ci passe par l’identification et la  mobilisation de nouveaux savoir – faire que Robert K. Greenleaf avait déjà bien recensé  dès 1970 dans ses différentes publications, à savoir, être :

  1. A l’écoute de ses collaborateurs, pour mieux comprendre leur besoins et attentes.
  2. Doté d’une grande empathie pour aider à comprendre même ce qui n’était pas dit et qui pouvait poser problème à l’équipe.
  3. Capable d’aider et d’assister les autres pour leur donner la possibilité de passer les difficultés.
  4. En conscience de ce qui se passe pour lui et pour les autres, ce que l’on nomme aussi awareness.
  5. Doué de persuasion et capable d’utiliser cette capacité pour fédérer autour de lui plutôt que d’imposer.
  6. Adepte de la conceptualisation, pour permettre la prise de recul et permettre de penser au delà des réalités au jour le jour.
  7. Capable de prévoyance pour permettre de prendre en compte les leçons du passé et en tirer des conclusions pour l’avenir.
  8. Un bon intendant, pour permettre la réalisation effective des attentes de ses collaborateurs.
  9. Engagé dans l’évolution des personnes, pour que chaque personnes puisse grandir et se développer au sien du collectif.
  10. Capable de construire une communauté autour de lui, en incarnant une identité  qui inspire ses collaborateurs.
Ce retournement ne peut pas se faire par décret. Il résulte d’un travail sur soi qui passe par la remise en cause de certaines croyances implicites qui ont jusqu’à présent structurer les représentations et les comportements. Mais s’il est rendu possible, c’est parce que la société l’autorise et le réclame (peut – être même l’exige…). Il serait réducteur et naïf de penser que cette transformation résulte de la seule volonté des individus. Elle est attendue et sollicitée par les nouvelles normes sociales qui modèlent les images de l’autorité.

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Retour sur les deux dimensions clés du management : La Loi et la Foi

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On retrouve dans les nouvelles pratiques du management les deux grands principes qui caractérisent la posture d’autorité : La Loi et la Foi. Nous avions présenté la Loi comme équivalent du principe de réalité tandis que la Foi à celui du  lien social. Ces concepts se sont montrés, au fil du temps, assez robustes pour caractériser autant les comportements managériaux que la vie des groupes.

On les retrouve aujourd’hui dans les nouveaux discours du management ; formulés certes différemment, mais encore bien présents à travers le terme de « générateur d’intelligence et de confiance » exprimé dans le cas de l’entreprise citée.

Ce signifiant est mérite d ‘être souligné car il évoque bien les 2 activités clés du management, a savoir:
  1. Rendre leurs collaborateurs intelligents
  2. Favoriser la confiance dans les organisations et les équipes
Rappelons qu’il faut entendre ici l’intelligence comme la capacité à comprendre le sens de l’action et la confiance comme celle de pouvoir se fier suffisamment à la loyauté des managers.

La véritable intelligence ne se réduit pas à la compréhension des objectifs à atteindre. Beaucoup de managers ont tendance à penser qu’il suffit d’informer les collaborateurs pour que ceux – çi comprennent et adhèrent à la stratégie. C’est mieux que rien mais cette perspective est insuffisante. L’intelligence de l’Action nécessite une contribution de la part des acteurs. Il y a dans le management plusieurs processus qui vont dans ce sens : la démarche W et plus récemment la démarche M.

Le groupe GERESCO propose une  démarche en W.  Pour faire simple, les décideurs (ou managers) décident des grands axes de la stratégie et de ses objectifs et sollicitent ensuite les équipes opérationnelles pour la mise en oeuvre opérationnelle.  Le processus s’organise en 5 temps :

  1. Un premier temps descendant : C’est la direction qui énonce la stratégie
  2. Un temps de concertation : Les collaborateurs enrichissent et discutent de la stratégie
  3. Les dirigeants intègrent les contributions des collaborateurs
  4. Les dirigeants redescendent à nouveau leur vision
  5. Les collaborateurs approfondissent la mise en oeuvre et la fond remonter à la direction
Cette démarche a été utilisée par l’entreprise précitée mais le dirigeant dans la vidéo explique qu ‘il envisage d’aller plus loin en mettant en place une démarche qu’on pourrait représenter par la lettre M. En d’autres termes qui partirait de la base pour aller ensuite vers la direction, redescendre vers l’opérationnel, remonter vers la direction pour se conclure par une validation finale par la base.

Il est important de trouver la bonne méthode pour que les collaborateurs aient une vision réelle et puissent y adhérer.  L’information descendante ne suffit pas. Si on reste là, la vision  se limite à la seule sphère cognitive. L’adhésion n’est pas possible sans la participation, le débat, la contradiction (Mary Parker Follet, Mousli, 2005). Pour qu’il y ait en effet appropriation, il faut qu’il y ait  débat,  objection,  et confrontation. C’est de ces antagonismes créatifs que peuvent naître les visions partagées. Sans délibération, le projet d’entreprise risquera fort de rester « dans le labyrinthe de l’insignifiance » (Castoriadis, 1996) parce qu’il sera difficile pour les acteurs de s’identifier à lui. Et là encore, ils seront placés dans l’exécution du rêve d’un autre…

Etre générateur de confiance suppose de la loyauté et de l’attention à autrui. L’environnement VUCA génère beaucoup d’incertitudes.  Les directions par la place qu’elles occupent dans l’organisation ont généralement une vision spatiale et temporelle plus large et plus lointaine que les opérationnels. Ils ont une action déterminante dans la réduction des représentations paranogènes qu’un tel environnement peut inévitablement entraîner.

Il y a deux façons de détruire la confiance. En ne prenant pas en compte la dynamique des émotions collectives et en adoptant un comportement de dissimulation. La confiance suppose l’altérité. Amira Dahmani (2011) définit la confiance comme « l’espoir qu’on peut placer dans une relation ». C’est une dimension invisible et silencieuse qui conditionne la qualité du lien social entre les acteurs et la logique de don.

Un déficit de confiance entraîne des relations de méfiance  et surtout compromet la dynamique du don, sans lequel une organisation ne pourrait  survivre sur la durée. La  distance qui  s’installe entre les acteurs entre eux et avec l’institution contenante entraînent une déliaison  compromettant leur désir d’engagement. Ceux – ci se transforment alors en mercenaires calculateurs cyniques et négatifs au service d’abord d’eux mêmes plutôt que du « Bien commun »: Les investissements libidinaux sublimés qui avaient été misés dans l’institution vont en quelque sort refluer et s’épuiser » (Pinel, Kaës1996:51).

Les managers restent encore trop souvent très concentrés sur la chasse aux coûts ou sur leur propre quête narcissique de toute puissance en oubliant que ce qui fait la performance relève d’autres facteurs qui restent à être mieux identifiés pour être pris en compte. C’est ce que nous efforçons de faire dans ce webmagazine…Mais nous reviendrons sur ces sujets. Ils sont trop importants pour les laisser dans l’ombre de l’ignorance!

Article issu du site les 4 temps du management

Ce que nous apprend concrètement l’entreprise libérée Théo Holtz (2017: 125) a étudié pendant plusieurs mois une entreprise située dans le secteur pharmaceutique dont le PDG a mis en place en 2013 une démarche d’innovation managériale fondée sur la notion de responsabilisation qu’il a résumée dans l’acronyme SARA (Société à Responsabilité Amplifiée). Il décrit avec précision…

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