Inspiré par les lectures de Hyacinthe Dubreuil et de la sociologue Simone Veil, le dirigeant a opéré une série de transformations assez radicales :
– La stratégie est élaborée de manière participative à partir d’une première vision donnée par la direction. Elle permet de définir le « Bien commun » et les règles du jeu qui découlent des 3 valeurs fondamentales qui sont le client, la simplicité, et l’humilité. La stratégie n’a pas selon le dirigeant une ambition économique mais aussi sociale dans le sens où elle intègre le développement des personnes. On retrouvera là probablement la philosophie de la personne d’Emmanuel Mounier qui est une autre source d’inspiration pour le dirigeant.
– L’activité managériale a été également redéfinie en 3 fonctions :
- La fonction « d’animation » qui a pour vocation de « penser le projet ». Au delà de son rôle d’orientation, elle a aussi pour vocation de veiller « au Bien Commun ». Elle est assumée par le dirigeant et ses 3 ex directeurs adjoints devenus animateurs de « zones de bienveillance »; celles – ci correspondant à leur ancien périmètre de service respectif. Ces derniers assurent aussi la coordination des initiatives individuelles et la cohérence des actions avec la stratégie de développement. Ils ont également un rôle pédagogique en fournissant aux collaborateurs les informations dont ils ont besoin pour prendre leurs décisions.
- Les anciens managers (du moins ceux qui ont accepté cette mutation) sont désormais appelés à devenir des « générateurs d’autonomie ». Ils interviennent, maintenant, en tant qu’experts dans l’ensemble de l’entreprise et pas seulement dans leurs anciennes zones de responsabilité.
- La fonction « d’accoucheur » est une fonction nouvelle qui est assurée par des personnes élues ( pour un an) par leurs collègues. Leur action se limite à la « Base » dans laquelle elles sont impliquées. Leur activité est assez proche de celle qu’on retrouve ailleurs sous le terme de « Teams leaders ». Ils sont au service du collectif et ont la charge d’assurer son bon fonctionnement quotidien des équipes.
Le changement des intitulés de fonction n’est pas anodin. Il exprime la volonté de mettre les représentants de l’autorité au service des acteurs. C’est un grand retournement.
Management : le grand retournement !
Celle – ci passe par l’identification et la mobilisation de nouveaux savoir – faire que Robert K. Greenleaf avait déjà bien recensé dès 1970 dans ses différentes publications, à savoir, être :
- A l’écoute de ses collaborateurs, pour mieux comprendre leur besoins et attentes.
- Doté d’une grande empathie pour aider à comprendre même ce qui n’était pas dit et qui pouvait poser problème à l’équipe.
- Capable d’aider et d’assister les autres pour leur donner la possibilité de passer les difficultés.
- En conscience de ce qui se passe pour lui et pour les autres, ce que l’on nomme aussi awareness.
- Doué de persuasion et capable d’utiliser cette capacité pour fédérer autour de lui plutôt que d’imposer.
- Adepte de la conceptualisation, pour permettre la prise de recul et permettre de penser au delà des réalités au jour le jour.
- Capable de prévoyance pour permettre de prendre en compte les leçons du passé et en tirer des conclusions pour l’avenir.
- Un bon intendant, pour permettre la réalisation effective des attentes de ses collaborateurs.
- Engagé dans l’évolution des personnes, pour que chaque personnes puisse grandir et se développer au sien du collectif.
- Capable de construire une communauté autour de lui, en incarnant une identité qui inspire ses collaborateurs.
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Retour sur les deux dimensions clés du management : La Loi et la Foi
On les retrouve aujourd’hui dans les nouveaux discours du management ; formulés certes différemment, mais encore bien présents à travers le terme de « générateur d’intelligence et de confiance » exprimé dans le cas de l’entreprise citée.
- Rendre leurs collaborateurs intelligents
- Favoriser la confiance dans les organisations et les équipes
La véritable intelligence ne se réduit pas à la compréhension des objectifs à atteindre. Beaucoup de managers ont tendance à penser qu’il suffit d’informer les collaborateurs pour que ceux – çi comprennent et adhèrent à la stratégie. C’est mieux que rien mais cette perspective est insuffisante. L’intelligence de l’Action nécessite une contribution de la part des acteurs. Il y a dans le management plusieurs processus qui vont dans ce sens : la démarche W et plus récemment la démarche M.
Le groupe GERESCO propose une démarche en W. Pour faire simple, les décideurs (ou managers) décident des grands axes de la stratégie et de ses objectifs et sollicitent ensuite les équipes opérationnelles pour la mise en oeuvre opérationnelle. Le processus s’organise en 5 temps :
- Un premier temps descendant : C’est la direction qui énonce la stratégie
- Un temps de concertation : Les collaborateurs enrichissent et discutent de la stratégie
- Les dirigeants intègrent les contributions des collaborateurs
- Les dirigeants redescendent à nouveau leur vision
- Les collaborateurs approfondissent la mise en oeuvre et la fond remonter à la direction
Il est important de trouver la bonne méthode pour que les collaborateurs aient une vision réelle et puissent y adhérer. L’information descendante ne suffit pas. Si on reste là, la vision se limite à la seule sphère cognitive. L’adhésion n’est pas possible sans la participation, le débat, la contradiction (Mary Parker Follet, Mousli, 2005). Pour qu’il y ait en effet appropriation, il faut qu’il y ait débat, objection, et confrontation. C’est de ces antagonismes créatifs que peuvent naître les visions partagées. Sans délibération, le projet d’entreprise risquera fort de rester « dans le labyrinthe de l’insignifiance » (Castoriadis, 1996) parce qu’il sera difficile pour les acteurs de s’identifier à lui. Et là encore, ils seront placés dans l’exécution du rêve d’un autre…
Il y a deux façons de détruire la confiance. En ne prenant pas en compte la dynamique des émotions collectives et en adoptant un comportement de dissimulation. La confiance suppose l’altérité. Amira Dahmani (2011) définit la confiance comme « l’espoir qu’on peut placer dans une relation ». C’est une dimension invisible et silencieuse qui conditionne la qualité du lien social entre les acteurs et la logique de don.
Les managers restent encore trop souvent très concentrés sur la chasse aux coûts ou sur leur propre quête narcissique de toute puissance en oubliant que ce qui fait la performance relève d’autres facteurs qui restent à être mieux identifiés pour être pris en compte. C’est ce que nous efforçons de faire dans ce webmagazine…Mais nous reviendrons sur ces sujets. Ils sont trop importants pour les laisser dans l’ombre de l’ignorance!